Ce 24 mai 2025, sur les rives du Lac Ahémé, dans le village de Dado, s’est tenue une cérémonie inédite de sacralisation de mangroves. Portée par l’Association des Cultes Endogènes de Bopa avec l’appui de l’ONG Eco-Benin, cette initiative a permis de sanctuariser 30 hectares d’écosystèmes de mangroves sous la protection de la divinité Zangbéto, une figure spirituelle profondément ancrée dans les croyances locales.

L’événement a connu une forte mobilisation réunissant  des dignitaires religieux, le maire de la commune de Bopa, les élus locaux, les membres du bureau de l’association Hin Dhôkoun de l’aire communautaire de conservation de la biodiversité ACCB – Lac Ahémé, des partenaires techniques et une population venue en grand nombre de tous les arrondissements de la commune. Dans  une atmosphère solennelle et chargée de ferveur spirituelle, cinq (5) couvents de la divinité Zangbéto issus de  Dado, Sèhougbato, Akokponawa, Doguè 1 et Doguè 2 ont pris part collectivement à la cérémonie rituelle.

Sous un soleil éclatant et face à la beauté naturelle du Lac Ahémé, les voix des dignitaires ont résonné pour rappeler les lois spirituelles désormais en vigueur. Djinou Hounguè Toffa Tonounmin 4, président de l’Association des Cultes Endogènes de Bopa, a ouvert la cérémonie par une prière de bénédiction, avant de livrer un message clair à la population :

« À partir d’aujourd’hui, les mangroves du Lac Ahémé sont sous la protection du Zangbéto. Quiconque osera couper une branche s’attire la colère de la divinité et les sanctions prévues par la loi »

Dans cette région, où les textes réglementaires relatifs à la préservation des mangroves sont encore peu connus des populations, la puissance symbolique et la crainte inspirée par le Zangbéto constituent un levier puissant pour faire respecter les interdits. Les sanctions spirituelles peuvent aller jusqu’à l’exclusion sociale, rendant la transgression presque impensable pour les membres de la communauté.

Une approche enracinée dans les traditions locales

Pour Luc Mouvi, président de Hin Dhôkoun, association de gestion locale de cette réserve communautaire, la présente sacralisation marque  un tournant décisif dans la protection des mangroves du Lac Ahémé :

« Cette cérémonie marque une étape majeure dans notre lutte pour la protection des écosystèmes. Au-delà de l’aspect symbolique, elle traduit un engagement collectif en faveur de la sauvegarde des mangroves. »

L’ONG Eco-Benin, qui accompagne cette démarche, inscrit cette action dans le cadre de son projet de carbone bleu mis en œuvre dans la Réserve de Biosphère Transfrontalière du Mono (inscrite au programme MAB de l’UNESCO). Ce projet, centré autour des sites de la Bouche du Roy et du Lac Ahémé, ambitionne de valoriser les fonctions écologiques et climatiques des zones humides, notamment par la séquestration du carbone dans les mangroves.

« Nous croyons que la préservation des écosystèmes n’est pas seulement une affaire de lois ou d’experts, mais aussi de traditions, de foi et de transmission », explique Moïse Koumassa, chargé de projets à Eco-Benin et représentant le coordonnateur national.

Ce modèle a  d’ores et déjà fait ses preuves sur le site de la Bouche du Roy, où plus de 500 hectares de mangroves ont été placés sous la protection de la divinité Zangbéto dans dix villages riverains.

Une réponse communautaire à l’ urgence écologique

Depuis plusieurs décennies, les mangroves du Lac Ahémé subissent une dégradation préoccupante principalement due à la coupe abusive du bois et à la pression croissante des activités anthropiques. Cette détérioration a provoqué un déclin au niveau des ressources halieutiques autrefois très abondantes

« Autrefois, l’on fumait du poisson provenant du lac. Aujourd’hui, les ressources se raréfient, la nature s’épuise », a déploré Abel Djossou, maire de la commune de Bopa, dans un discours mêlant constat et espoir.

Il a salué l’initiative et réaffirmé l’engagement ferme du conseil communal à soutenir les dignitaires dans leurs actions de préservation.

Dans une ambiance festive rythmée par des  danses traditionnelles et de démonstrations mystiques, la cérémonie a souligné l’importance capitale des savoirs ancestraux dans la gestion durable des ressources naturelles. En alliant spiritualité, cohésion sociale et écologie, Bopa donne aujourd’hui un exemple inspirant d’éco-conservation ancrée dans les réalités locales.

DANIEL ABOKI / ECO-BENIN

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