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  • Dernière modification de la publication :15 septembre 2019

C’est à travers une conférence publique donnée ce jeudi 30 Août 2018 au CODIAM de Cotonou que le collectif Stop Pesticide exprime sa position sur l’usager des pesticides au Bénin. Cette conférence intervient dans un contexte particulier. Il y a quelques jours, le ministre de l’agriculture lors d’une conférence de presse déclare la non dangerosité du glyphosate, un produit probablement cancérigène utilisé dans la production du coton au Bénin. Par ailleurs, le produit a déjà fait plusieurs victimes déclarées aux Etats unions et en Amérique Latine notamment en Argentine.
Ce collectif Stop Pesticide composé des ONGs dont Eco-Bénin,, OSC, Association syndicale, des personnes ressources et indépendantes s’indigne contre l’utilisation de ce produit et tout autre fertilisant chimique dans le pays au regard des conséquences dévastatrices pour l’environnement et la santé des populations.

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Lire ci-dessous l’intégralité de leur note de position :

*POSITION DES ORGANISATIONS DE LA SOCIETE CIVILE (OSC) DES SECTEURS DE L’ENVIRONNEMENT ET DE L’AGRICULTURE SUR L’UTILISATION MASSIVE DES PESTICIDES ET FERTILISANTS CHIMIQUES DE SYNTHESE DANS L’AGRICULTURE, L’ALIMENTATION ET LES ECOSYSTEMES AU BENIN*
 Considérant l’article 27 de la Loi 90-032 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin, qui dispose : « Toute personne a droit à un environnement sain, satisfaisant et durable et a le devoir de le défendre. L’Etat veille à la protection de l’environnement » ;
 Considérant l’article 14 de la Charte Nationale sur la Gouvernance Environnementale au Bénin qui dispose entre autres que : « La Société Civile a particulièrement pour rôle et responsabilité d’être attentive aux pratiques en matière de gestion environnementale et de se constituer en groupe de pression pour influer sur les décisions et les pratiques portant atteinte à l’environnement……. » ;
 Considérant le Principe 10 de la Déclaration de Rio qui reconnaît que la meilleure façon de traiter les questions de l’environnement est d’assurer la participation effective de tous les citoyens concernés à quelque niveau où ils se trouvent ;
 Considérant que le domaine de l’environnement est un secteur d’activités transversales,
Nous, OSC, Organisations Paysannes, Chercheurs, consommateurs engagés pour la sauvegarde de l’environnement et la biodiversité, la défense des droits à la terre, à l’eau , aux semences, à la sécurité et la souveraineté alimentaire, très préoccupés par les conséquences désastreuses engendrées par les pesticides et fertilisants chimiques de synthèse sur la santé humaine, l’environnement, la diversité biologique, les écosystèmes et l’agriculture, attirons avec gravité l’attention du Gouvernement du Bénin et celle de l’opinion publique nationale, régionale et internationale sur ce qui suit :
De nombreux drames et une abondante littérature scientifique ont largement mis en évidence ici et ailleurs les impacts négatifs des pesticides et fertilisants chimiques de synthèse sur l’environnement, les écosystèmes, l’alimentation et la santé humaine.
Chaque année, plus de 140 millions de tonnes d’engrais chimiques de synthèse sont déversées dans le monde. A ceux-ci s’ajoutent des millions de tonnes de pesticides dont les spécialistes s’accordent à dire que seulement 0,1% des quantités atteignent réellement les nuisibles. Les spécialistes en protection phytosanitaire s’accordent pour reconnaître que l’on pourrait renoncer à 50% des quantités de pesticides actuellement utilisées sans que cela n’affecte la production agricole mondiale (PAN, 1999). Selon l’OMS, on enregistre par an, jusqu’à trois (3) millions de personnes affectées dans le monde dont 200 000 y perdent la vie. Cinq mille cinq cents (5.500) enfants empoisonnés par l’eau et les aliments contaminés par les pesticides chimiques de synthèse, meurent chaque année dans le monde (OMS, 2002). La lourde condamnation de Monsanto ce 10 Août 2018 par le tribunal de San Francisco au sujet du glyphosate est un évènement majeur qui en dit long sur les risques liés aux pesticides chimiques de synthèse.
Il apparaît clairement au vu de ce qui précède que les pesticides et engrais chimiques de synthèse mettent en péril certains droits humains et exposent certains groupes sociaux à un risque élevé de violation de leurs droits.

*La sonnette d’alarme*

Au Bénin, la situation est tout aussi alarmante. Il n’existe pas aujourd’hui au Bénin un village ou une ville qui échappe à la présence et à l’utilisation massive de pesticides et ou de fertilisants chimiques de synthèse.
Comme nous le savons, le secteur agricole occupe une place centrale dans les différentes politiques et stratégies de développement mises en œuvre depuis la période coloniale (OSD, 2012-2017 ; SCRP, 2011-2015 ; PSRSA, etc.). Si les performances du secteur agricole ces dernières décennies, semblent assez intéressantes, l’importation et l’utilisation massives d’engrais et de pesticides chimiques de synthèse qui le caractérisent, inquiètent et interpellent à juste titre scientifiques, consommateurs, organisations paysannes et OSC des secteurs de l’environnement et de l’agriculture au Bénin.
En effet, le souci d’augmenter la production et la productivité agricoles (notamment du coton), conduit gouvernements et agriculteurs à se tourner vers l’utilisation massive et souvent abusive des molécules chimiques de pesticides et d’engrais aussi variées que dangereuses. Ainsi, de 2001 à 2008, plus de 12 millions de litres d’insecticides ont été utilisés pour la seule culture du coton qui consomme près de 90 % du marché des insecticides (TON, 2001), et 96 % des engrais chimiques (IFDC, 2005). D’après l’ONS et la SONAPRA (2015), de 554 900 litres d’insecticides utilisés en 2008/2009, on est passé en 2014/2015 à 2 436 500 litres pour le coton sans compter les approvisionnements par les circuits informels fort développés au Bénin.
En avril 2018, 36.000 tonnes d’engrais chimiques de synthèse ont été importées pour le coton, 33.000 tonnes pour le maïs et autres céréales avec un (1) milliard FCFA de subvention d’engrais chimiques pour les fruits et légumes ; 500 000 litres de glyphosate sur un total de 900.000 litres attendus, (Killer 480 SL, pourtant classé produit cancérigène 2A et fortement contesté dans la sous-région et dans l’Union Européenne).
Des analyses menées par le Service de Protection des Végétaux (SPV) en 1999 ont révélé une utilisation excessive et un taux élevé de prévalence de résidus toxiques de pesticides chimiques de synthèse dans les légumes, les fruits, le lait, les graines stockées etc. Aussi, soixante mille (60 000) maraîchers au Bénin ont-ils été exposés aux pesticides chimiques de synthèse.
Une étude a montré que 21 résidus de pesticides organochlorés et organophosphorés ont été identifiés dans les sédiments et les espèces aquatiques prélevées tout le long du fleuve Ouémé et que plus de 40 espèces aquatiques ont disparu des eaux du fait de l’usage des pesticides chimiques de synthèse.
Les matières actives utilisées dans le bassin cotonnier béninois sont très variées et les producteurs respectent très peu les doses requises ; ils sont très peu sensibilisés et pour la plupart réfractaires à l’utilisation raisonnée des produits phytosanitaires. Il est fréquemment noté, en particulier dans la Vallée de l’Ouémé, l’utilisation des pesticides coton sur des produits vivriers, voire des produits maraichers, ainsi que l’utilisation de moustiquaires imprégnées de pertrinoïde pour protéger les champs de riz contre les oiseaux granivores (oiseaux gendarmes notamment). Tout ceci met en cause la durabilité des pratiques paysannes de gestion des cultures, rend vulnérables les ressources naturelles et expose l’agrosystème et les écosystèmes, surtout ceux des zones humides, surtout ceux des zones humides, à de graves impacts environnementaux avec des implications socio sanitaires.

*La question des règlementations*
Les importations massives et les utilisations abusives de pesticides et engrais chimiques de synthèse dans notre pays sont en contradiction totale avec les dispositions légales et règlementaires et les engagements internationaux pris par le Bénin à travers la signature de plusieurs conventions internationales pour une meilleure protection de l’environnement et de la santé des populations. Au nombre de ces instruments légaux, on peut citer:
 La Constitution du 11 décembre 1990 du Bénin en ces articles 27 à 29, 74 et 98 qui traitent de la nécessité de la protection de l’environnement ;
 La loi n°91-004 du 11 février 1991 portant réglementation phytosanitaire en République du Bénin ;
 La Loi 98-30 du 12 février 1990 portant Loi- Cadre sur l’Environnement en République du Bénin ;
 la Loi 90-005 du 15 Mai 1990 fixant les conditions d’exercice des activités de commerce en République du Bénin dont l’article 32 dispose que sauf autorisation expresse, l’importation des produits de nature dangereuse pour la santé humaine et la sécurité de l’Etat est interdite ;
 La Convention de Bâle ratifiée en 1989,
 La Convention sur la Diversité Biologique ratifiée le 13 décembre 1993 ;
 La Convention de Rotterdam ratifiée en 1998,
 La Convention Ramsar sur les zones humides, ratifiée le 24 janvier 2000 ;
 La Convention de Stockholm ratifiée en 2001,
Nous, Organisations de la Société Civile (OSC), Organisations Paysannes, Chercheurs, consommateurs engagés pour la sauvegarde des Biens Publics Mondiaux (BPM) que sont l’environnement et la biodiversité, l’eau, les semences traditionnelles, la sécurité et la souveraineté alimentaire, la défense des droits à la terre, alertons le Gouvernement et l’opinion publique aussi bien nationale qu’internationale sur tout ce qui précède et exigeons une politique agricole moins dépendante des engrais et des pesticides chimiques de synthèse.

*Recommandations au gouvernement*
Nous recommandons au Gouvernement du Bénin de:
1. développer une politique à long terme de « zéro intrant chimique de synthèse» notamment pour les zones particulièrement sensibles telles que les zones spécifiques de préservation de la biodiversité (aires protégées, réserves de biosphères…..) et les points de capture et de pompage d’eau de consommation ;
2. encourager la promotion de l’agro-écologie qui, si les principes sont respectés, peut permettre de nourrir l’humanité, comme l’a si bien reconnu la FAO ;
3. décourager toute initiative visant la pollution des eaux, de l’air, des sols ;
4. arrêter la subvention des pesticides et engrais chimiques de synthèse ;
5. prendre des mesures nécessaires pour protéger le droit des citoyens à l’information et imposer notamment l’obligation d’indiquer sur les étiquettes des produits alimentaires et des boissons importés ou produits localement les types de pesticides utilisés et les limites maximales de résidus;
6. mettre en place des procédures impartiales et indépendantes pour l’évaluation des risques et l’homologation des pesticides, prévoyant l’obligation pour les fabricants de fournir des informations complètes. Ces procédures devront être fondées sur les principes de précaution et d’anticipation, et tenir compte de la dangerosité des pesticides pour la santé humaine et l’environnement ;
7. mettre en place une structure multi-acteurs regroupant entre autres les institutions et organisations des domaines de l’environnement, de la santé et de l’agriculture qui coopèreront à travailler efficacement pour la prévention et la lutte contre les effets néfastes des pesticides et d’atténuer les risques liés à l’utilisation excessive et inappropriée de ces produits toxiques ;
8. élaborer des plans d’action nationaux exhaustifs comportant des mesures incitatives pour promouvoir des solutions de substitution aux pesticides dangereux et fixer des objectifs de réduction contraignants, mesurables et assortis de délais ;
9. prioriser et promouvoir une meilleure prise en compte des méthodes et techniques de lutte biologique et intégrée dans la politique de protection phytosanitaire du Bénin. A ce propos, les OSC notent ces dernières années le développement au niveau local de plusieurs initiatives de production et de commercialisation de bio-pesticides qui méritent d’être encadrées, encouragées et promues ;
10. renforcer les structures d’information et de sensibilisation existantes (services publics déconcentrés, OSC, etc.) pour l’information et la sensibilisation rapprochées du grand public notamment les paysans, les Organisations Professionnelles Agricoles (OPA), les consommateurs, les jeunes, les journalistes…. ;
11. renforcer les dispositifs de veille citoyenne et d’alerte au niveau local pour décourager les mauvaises pratiques ;
12. renforcer les dispositifs et procédures d’application des lois et règlementations environnementales spécifiques à la problématique de l’utilisation des pesticides et engrais chimiques de synthèse au Bénin ;
13. appuyer la recherche scientifique dans l’évaluation des niveaux de contamination de nos écosystèmes aquatiques et des impacts des pesticides et fertilisants chimiques de synthèse sur la biodiversité et la santé humaine.
Enfin, nous nous engageons à accompagner toute décision ou initiative contribuant à inverser la tendance actuelle pour le bien-être de nos populations et de l’environnement.

Fait à Cotonou, le 27 Août 2018
*Au nom des OSC, a signé *
*SEGBENOU M. René*
Président de Réseau JINUKUN
Tél : 95402021/94209473/96100837,
E-mail : rene.segbenou@gmail.com
ou jinukun.copagen@gmail.com
Pour :
– Réseau JINUKUN
– Plateforme des Réseaux d’ONG en Environnement (Pro-Environnement)
– Coalition Verte
– Fédération Agro-Ecologique du Bénin (FAEB)
– Syndicat National des Paysans du Bénin (SYNPA)
– Plateforme Nationale des Organisations Paysannes et Producteurs Agricoles (PNOPPA)
– Convergence Globale des luttes pour la terre et l’eau
– Aquaculture et Développement Durable (AquaDeD ONG)
– Nature Tropicale ONG
– ACTION Plus ONG
– Actions pour le Développement Durable (ADeDBenin ONG)
– Centre de Recherche et de Développement Intégré (CREDI ONG)
– Benin Ecotourism Concern (Eco-Benin ONG)